Une vie à taille humaine.

Dans cinquante ans, restera-t-il de l’eau potable sur la planète, des espèces vivantes enchanteresses, des métaux rares ou du phosphore ? Quelle température fera-t-il ? Disparaîtrons-nous pas dans un mélange « sulfureux » de CO2 ou de méthane ?

Une vie à taille humaine, Sylvie Le Calvez

Tout semble nous échapper… Face à l’ampleur du désastre écologique lié au productivisme et au capitalisme à tout crin, au paradigme d’une croissance infinie des ressources qu’il faut exploiter, nous participons à la danse macabre, nous continuons à utiliser la voiture, à stocker des milliards de données consommant une énergie effroyable, à utiliser l’avion ou à acheter de la nourriture transformée (en se croyant vertueux parce qu’on a troqué le steak de bœuf pour celui au soja).
De plus en plus déconnectés du vivant nous ne voyons plus que les hirondelles qui étaient encore une cinquantaine dans la cour de la ferme ne sont plus que deux. Nous ne savons pas que l’eau qui nous est vendue comme potable est en fait souvent bourrée de pesticides que nous n’analysons même pas.
Alors que faire ? Assurément retrouver un fonctionnement de proximité, en interconnaissance.
Le toujours plus grand, trop grand, trop puissant, trop lointain conduit à la résignation, au fatalisme, à l’aigreur ou à la révolte.

En finir avec le diktat du toujours plus grand qui, sous prétexte d’économie ou de facilité, nous met sous contrôle, sous contrainte, nous emprisonne voire nous empoisonne. C’est désormais localement que nous pouvons tenter de changer d’ère en nous impliquant dans une association, un syndicat de l’eau, en sensibilisant les plus jeunes à leur environnement, en accompagnant des agriculteurs pour qu’ils produisent autrement, etc. C’est ainsi que nous pourrons retrouver une marge de manœuvre pour sortir de cette ère dite de la « modernité », que nous pourrons veiller au maintien d’un bocage, d’une prairie humide, d’une espèce menacée.
Le toujours plus grand, trop grand, trop puissant, trop lointain conduit à la résignation, au fatalisme, à l’aigreur ou à la révolte.
Les vaches qui paissent sous les pommiers n’ont pas le même impact que celles qui viennent du Brésil où on a déboisé la forêt amazonienne pour produire des milliers de bêtes qui ne voient pas un brin d’herbe.
Des études ont prouvé qu’on pouvait réduire l’empreinte écologique par le pâturage. Si les vaches mangent de l’herbe plutôt que des céréales ou des oléagineux, le carbone est stocké dans le sol. De plus, les vaches à l’herbe produisent moins de méthane que si elles sont nourries au soja ! Si nous perdons ce rapport au local, au sol, au cycle de vie nous allons nous tromper dans nos choix. Si nous continuons de confier à des empires financiers, industriels notre destin, nous allons y perdre la santé, la beauté des lieux et… la vie.
Retrouver des territoires à taille humaine, c’est reconstruire des solidarités, c’est comprendre la complexité des écosystèmes et respecter les êtres vivants parce que nous entretenons avec eux une relation de connivence et de respect mutuel. Nous connaissons la chèvre du voisin et le nom du paysan auquel elle appartient. Nous sommes alors conscients des liens qui nous unissent aux autres habitants mais aussi aux plantes, aux animaux. Ils sont précieux, fragiles et indispensables à notre survie physique et spirituelle. Le village, le quartier, le hameau c’est de là que chacun peut agir, se retrousser les manches, se sentir exister et apprécier une beauté et une fraternité que l’on aimerait voir enfin ré-enchantées.

Sylvie Le Calvez, Saint-Paul, le 20 juillet 2019.