Pastel : la magie du bleu

 

© Nadia Fargeix Bondia

Au jardin, le pastel cache son vibrant pigment. Cueillie puis préparée, la feuille colore d’une variété de bleus les textiles, peintures ou cosmétiques maison.

Nadia Fargeix-Bondia.

Le principe de base

© Nadia Fargeix-Bondia

Peu fréquent à l’état sauvage, le pastel se cache le plus souvent dans les rochers et lieux incultes. Ou au détour d’un champ, en Albigeois, Lauragais, Picardie où la plante a longtemps été cultivée pour son précieux pigment bleu. L’idéal reste de la cultiver. Semées de mars à juillet en godets, les graines sortent leurs premières feuilles sous trois semaines dans un terreau humide. Installé ensuite en terrain ni trop riche ni sablonneux, avec idéalement un petit
gravier de pierres calcaires, le pastel s’enracine en profondeur. Il adore le plein soleil. Attention aux escargots et limaces, qui se régalent de ses feuilles !

Le reconnaître

Bisannuelle, la plante présente en première année une rosette de feuilles, comme les épinards. La deuxième année, elle s’érige à plus d’un mètre. En avril et mai, ses grappes de petites fleurs jaunes sont colonisées par les abeilles et les papillons qui raffolent de son nectar. Et en été les graines abondent : pendantes, brunes violacées, allongées.
Par contre, repérer un champ de pastel est devenu difficile car ils sont bien plus rares qu’à l’époque faste de son commerce, jusqu’au XIXe siècle… « Nous n’avons plus de fournisseur de feuilles de pastel pour fabriquer le pigment bleu, malgré une réelle demande », témoigne Christine Brunet, responsable recherche et développement des colorants végétaux au Critt (Centre régional d’innovation et de transfert de technologie) Horticole de La Rochelle .
Si toutefois vous tombez sur le champ perle rare, il faut s’approcher et étudier la fleur. À la deuxième année, cette dernière ressemble à s’y méprendre à celle du colza ou de la moutarde. Normal, ce sont ses cousines !

Ses propriétés

© Nadia Fargeix-Bondia

Le pastel est une exceptionnelle source de pigment bleu, appelé « l’indigotine ». Si l’indigotier tropical est encore plus riche, pour l’œil averti le pastel a sa note unique. Quelques passionnés, du Sud-ouest à la Picardie, font renaître
la production de ce colorant pour son esthétisme et ses propriétés médicinales. La plante est reconnue pour les soins de la peau et la cicatrisation des plaies. Des entreprises cosmétiques en tirent une huile qui nourrit et régénère la peau. On peut appliquer une feuille de pastel sur une plaie pour accélérer la cicatrisation. En outre, elle repousse les mouches et les moustiques. On l’utilisait d’ailleurs pour peindre volets, portes et boiseries dans le Midi (d’où le nom « bleu charrette ») mais aussi les cornes des bovins. Enfin, en cuisine c’est un condiment étonnant. Elle ressemble à la moutarde, avec une saveur plus soufrée. On peut aussi colorer de bleu une préparation blanche (par exemple une crème fouettée) en y broyant quelques feuilles !

La cueillir

© Nadia fargeix-Bondia

En première année les feuilles sont riches en indigotine. De juin à novembre, quatre coupes sont possibles. La saison suivante, la plante se consacre à ses fleurs et le colorant est quasi absent. On peut par contre récupérer en été les très nombreuses graines. Il faut prévoir au moins cinq à dix plants pour obtenir 500 gr grammes de feuilles et réaliser une extraction du pigment.

Les teinturières ont repris le bleu !

Depuis 2016, Séverine De Breucker, Cécile Gex et Jean-Marie Neels sont les heureux repreneurs de l’entreprise « Bleu de Lectoure », installée dans le village gersois éponyme. Anciennes salariées de l’entreprise créée en 1994 par un couple pionnier dans la relance du pastel, Séverine et Cécile acceptaient mal la mise en liquidation récente de la société. Elles rencontrent alors Jean-Marie, agriculteur du coin, prêt à tester la culture sur 3 hectares, et à s’associer. Les trois se lancent dans un projet de reprise différent : « nous voulions teindre sans adjuvant chimique, proposer en direct des vêtements de qualité accessibles à tous. Teindre 1 000 pièces pour la haute couture, comme le faisait auparavant l’entreprise, était très contraignant… Maintenant, nous laissons les teintes s’exprimer, ça nous fait plus rêver ! ». Pour lancer leur activité et à cause d’une production de pastel insuffisante, les deux jeunes femmes se tournent vers « Bleu d’Amiens », un producteur de Picardie. En septembre 2016, la nouvelle boutique ouvre ses portes. Elle propose vêtements et linge de maison, avec des t-shirts à partir de 20 €. À côté du magasin, le nouvel atelier accueille des visiteurs sur réservation pour livrer tous les mystères du pastel.

Bleu de Lectoure – 55 rue Alsace-Lorraine
32700 Lectoure. Tél. : 05 62 28 14 93
www.bleu-de-lectoure.com

Teindre en bleu végétal : La méthode au naturel, expliquée par Cécile et Séverine de Bleu de Lectoure

© Nadia Fargeix-Bondia

Les professionnels de la teinture végétale ont mis au point ces dernières années une technique à base de fructose, plus naturelle que celle utilisant l’hydrosulfite
de soude (cf. Village n° 108, se renseigner au 02 33 64 01 44 pour vous le procurer).

– Délayez progressivement 20 grammes de pigment de pastel dans la solution suivante : 2 c. à s. de chaux éteinte, 3 c. à s. de fructose en poudre, 5 litres d’eau bouillante. On obtient une solution jaune-verte, dans laquelle le pigment retrouve sa forme soluble.
– Laissez refroidir.
– Les textiles à teindre doivent être en matière végétale (coton, lin…), ou animale (soie, laine), lavés et passés 24 heures dans un bain d’eau additionné d’un peu de fleur de chaux.
1. Plongez le textile dans le bain de teinture, le ressortir, le passer dans un bain d’eau froide.
2. Plongez longuement le textile dans la cuve de teinture. Rincez-le ensuite à l’eau froide.
3. Terminez par un bain plus long. Rincer enfin à l’eau vinaigrée pour refermer les fibres.
Les textiles teints s’entretiennent au savon naturel. Le lavage ravive la couleur !

Fabriquer une peinture naturelle au pigment de pastel

© Nadia-Fargeix Bondia

Commencez par broyer longuement le pigment, idéalement avec un pilon, dans un peu de liant (l’huile) et ajoutez progressivement les autres ingrédients.
– 25 g de pigment
– 100 ml d’huile de lin
– 125 g de chaux
– 400 g de charge blanche (craie, caséine, talc, blanc de Meudon…)
– 0,5 litre de lait (ou moins : à additionner progressivement)
La peinture est peu homogène, le pigment n’étant pas vraiment soluble.
C’est magique… À l’application le bleu se révèle au contact du support (qui doit être végétal : bois, carton). Après séchage, le frottement avec un chiffon doux révèle des bleus éclatants !

Recette proposée par le Critt Horticole de La Rochelle et la SARL Couleurs de Plantes, testée et approuvée !
www.colorants-naturels.com